Une étude récente résultant d’une collaboration entre le Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM-CCSMTL) et l’Institut de recherche biomédicale de Lleida Fundació (Espagne) a permis d’identifier certaines caractéristiques du sommeil qui pourraient prédire l’évolution des changements cognitifs et de la neurodégénérescence chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer du stade léger à modéré.
Le sommeil est une fonction vitale pour le bon fonctionnement du cerveau et joue un rôle important dans la consolidation de la mémoire. Il favoriserait notamment l’élimination des protéines amyloïde-bêta et tau dont l’accumulation dans le cerveau est associée à l’apparition de la maladie d’Alzheimer.
La littérature scientifique récente suggère que les troubles du sommeil augmenteraient le risque de maladie d’Alzheimer. Cependant, on dispose de peu d’informations pour savoir si le sommeil pourrait jouer un rôle dans le déclin cognitif des personnes déjà atteintes par la maladie d’Alzheimer.
Dans cette étude publiée dans la revue Alzheimer’s & Dementia: The Journal of the Alzheimer’s Association, Arsenio Paez, doctorant au CRIUGM et à l’Université Concordia, s’est intéressé aux aspects de la physiologie du sommeil pouvant prédire l’aggravation de la maladie d’Alzheimer.
En collaboration avec Thien Thanh Dang-Vu, directeur de laboratoire au CRIUGM (SCNLab) et Gerard Piñol Ripoll, chercheur à l’Institut de recherche biomédicale de Lleida Fundació (Espagne), il relève que l’activité des fuseaux du sommeil et des ondes lentes jouerait un rôle majeur dans la prédiction de la trajectoire de la maladie déjà déclarée. Les ondes lentes et les fuseaux du sommeil sont deux types d’oscillations caractéristiques du « sommeil profond », une phase du cycle du sommeil. Les premières sont présentes lorsque le sommeil est plus profond. Les seconds jouent un rôle important dans la cognition et la stabilité du sommeil face aux stimuli externes..
Une association avec les biomarqueurs et les atteintes cognitives de la maladie d’Alzheimer
Durant leurs travaux, les chercheurs ont observé qu’une activité plus élevée des fuseaux du sommeil et des ondes lentes était associée à une baisse significative des taux d’amyloïde-bêta et de tau. De plus, les personnes âgées avec maladie d’Alzheimer qui présentaient une activité plus élevée en fuseaux et ondes lentes du sommeil montraient également une détérioration cognitive moins importante à long terme. Les activités des fuseaux du sommeil et des ondes lentes prédisent donc l’accumulation des protéines responsables de la maladie d’Alzheimer ainsi que l’évolution des performances cognitives des personnes atteintes de cette maladie. Elles constituent ainsi des biomarqueurs prédictifs de la neurodégénérescence et de la cognition chez les personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer. Le sommeil demeure par conséquent un important prédicteur de l’évolution neurologique des patients ayant déjà une maladie neurodégénérative.
Déceler la progression de la maladie dans le cerveau
L’étude a analysé les données d’une soixantaine de participants atteints de la maladie d’Alzheimer à un stade léger ou modéré, collectées par les partenaires de l’Institut de Lleida en Espagne. L’activité cérébrale des patients a été enregistrée pendant la nuit à l’aide d’un électroencéphalogramme (EEG). Le lendemain matin, des échantillons de sang et de liquide céphalorachidien ont été récoltés afin de détecter la présence des biomarqueurs associés à la maladie d’Alzheimer. La cognition et la mémoire des participants ont été testées la nuit avant l’électroencéphalogramme, puis à nouveau tous les 12 mois pendant trois ans. Arsenio Paez et ses collaborateurs ont par la suite examiné les EEG des participants afin d’étudier les relations entre les oscillations du sommeil avec l’amyloïde-bêta et la protéine tau, ainsi qu’avec la cognition.
Retarder l’apparition des symptômes
La maladie d’Alzheimer est souvent détectée de manière tardive, à un stade avancé, lorsque les taux des protéines bêta-amyloïde et tau sont déjà très élevés dans le cerveau. Les changements dans la physiologie du sommeil peuvent en effet précéder de plusieurs décennies les symptômes cognitifs chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cette étude est d’intérêt, car peu de recherches ont porté sur les associations entre la physiologie du sommeil, les biomarqueurs de la maladie et la cognition chez les personnes déjà atteintes de la maladie d’Alzheimer. Les résultats de cette étude pourraient donc servir au développement de nouvelles thérapies ciblant les oscillations du sommeil pour aider les malades d’Alzheimer à préserver de manière plus précoce leur santé cérébrale. Des études scientifiques montrent d’ailleurs que retarder l’apparition des symptômes cliniques de 5 ans peut ajouter jusqu’à trois années de vie supplémentaires aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
À propos de l’étude
L’article « Sleep spindles and slow oscillations predict cognition and biomarkers of neurodegeneration in mild to moderate Alzheimer’s Disease. », par Arsenio Paez et ses collaborateurs, a été publié le 29 janvier 2025 dans la revue Alzheimer’s & Dementia: The Journal of the Alzheimer’s Association.
Relations avec les médias
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Dans les médias
Le sommeil pour prédire l’évolution de l’Alzheimer (La Presse)