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Mieux comprendre la maladie d’Alzheimer

Aujourd’hui, le 21 septembre, c’est la journée mondiale de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer. À cette occasion, nous avons voulu en savoir plus sur cette maladie et ses conséquences dans la vie quotidienne des personnes touchées. Nous avons ainsi fait appel à deux experts, Dr Benjamin Boller, neuropsychologue, chercheur en neuropsychologie du vieillissement au CRIUGM et Dre Hanna Chainay, enseignante-chercheure à l’Université Lyon 2, en France.

Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ? Comment est-elle diagnostiquée ?

Dr Boller : La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative. Elle affecte le cerveau en détruisant progressivement les cellules nerveuses. Ce sont des symptômes cognitifs et comportementaux qui permettent de caractériser la maladie. Le diagnostic de la maladie est posé lorsque les troubles neurocognitifs chez le patient retentissent sur sa capacité à réaliser ses activités de la vie quotidienne. Cela veut dire que la personne atteinte par ces troubles présente des difficultés majeures, par rapport à un état antérieur, où elle était en pleine possession de ses capacités cognitives. La perte de ces capacités entraîne notamment un changement au niveau de la mémoire qui s’opère en quelques mois ou années et qui a des répercussions dans la vie de la personne. Il est important de noter que pour poser un diagnostic de la maladie, il ne suffit pas seulement de relever des problèmes de mémoire. Il faut que ces problèmes impactent de manière significative le quotidien de la personne qui a alors des difficultés à réaliser certaines tâches comme tenir ses comptes ou faire son épicerie.

Dre Chainay : Pour poser un diagnostic, des tests spécifiques sont menés afin d’écarter toutes autres possibilités. En effet, des plaintes de mémoire ne signifient pas nécessairement la présence de la maladie d’Alzheimer. Certaines personnes peuvent présenter des troubles de la mémoire qui sont liés à de l’anxiété, du stress ou encore à une dépression. Ces états émotionnels peuvent perturber la prise d’informations, en empêchant les processus de mémorisation d’être vraiment fonctionnels. Pour caractériser la maladie d’Alzheimer au niveau cognitif, on cherche donc à déceler une incapacité de la personne à bien stocker et enregistrer, sur le long terme, des informations.

Comment la maladie d’Alzheimer agit-elle sur le cerveau ? Quelle est son évolution ?

Dre Chainay : Ce sont les neurones situés dans la région de l’hippocampe, une structure cérébrale qui joue un rôle essentiel dans la mémoire et les apprentissages, qui sont premièrement attaqués par le phénomène de dégénérescence. Les cellules neuronales perdent alors leur fonction et meurent. Au début de la maladie, c’est la mémoire épisodique qui est premièrement touchée. Cette mémoire nous permet de nous rappeler d’évènements que nous avons vécus, tout en nous situant dans le temps et l’espace. Prenons le cas d’une personne âgée. Un signe qui peut alerter serait par exemple le fait qu’elle n’arrive pas à se souvenir d’un évènement important pour elle, qui s’est déroulé récemment, malgré les indices donnés par son entourage pour qu’elle puisse se le remémorer. Dans la maladie d’Alzheimer, il y a une progression dans la perte des souvenirs qui in fine entraine une perte d’identité. Au début, ce sont les souvenirs les plus récents qui sont touchés, puis au fur et à mesure de l’évolution de la maladie les souvenirs plus anciens le sont également. On observe cependant que les souvenirs datant de l’enfance des patients ont tendance à persister. En dehors de la perte de mémoire, l’évolution du processus neurodégénératif va finir par toucher d’autres régions du cerveau et ainsi contribuer, pour n’en citer que quelques-uns, à une perte de capacités au niveau du langage, du raisonnement ou encore de l’attention. La personne se retrouve alors étrangère à son environnement parce qu’elle ne le comprend plus, qu’elle perd ses repères et qu’elle finit par ne plus reconnaître ses proches.

Dr Boller : L’évolution de la maladie se fait généralement sur 10 à 15 ans suite au diagnostic. Elle diffère d’une personne à l’autre et englobe plusieurs facteurs comme l’état de santé, les conditions de prise en charge médicale ou encore de l’âge de la personne au moment du diagnostic. Plus la maladie sera développée à un âge tardif plus les répercussions de celle-ci dans la vie de la personne seront lentes. En plus des conséquences citées par Dre Chainay, on relève aussi dans un stade avancé, des troubles de l’orientation dans l’espace, une perte de l’odorat ou encore la perte de mots et de leur sens. La personne ne va, par ailleurs, plus se plaindre, comme au départ, de pertes de mémoire car elle n’a plus conscience d’avoir perdu certains de ses souvenirs ou d’être malade. Parallèlement, des symptômes psycho-comportementaux s’installent avec l’avancée de la maladie occasionnant de l’incompréhension et des difficultés de communication avec l’entourage. Le patient peut alors se replier sur lui-même, développer de l’apathie, devenir agressif ou agité. Souvent, ce sont les symptômes psycho-comportementaux qui sont les plus invalidants pour les proches les conduisant à un épuisement majeur. C’est cet épuisement du proche aidant qui est bien souvent à l’origine d’un placement du patient en centre d’hébergement. Il y a ainsi un grand besoin d’accompagnement du patient et de ses proches aidants pour leur permettre d’affronter cette nouvelle réalité dans les meilleures conditions.

La maladie d’Alzheimer est-elle héréditaire ?

Dr Boller : Il existe une forme héréditaire de la maladie appelée « forme familiale » mais elle représente moins de 5% des cas. Dans les familles qui développent cette forme, la maladie se déclenche de manière plus précoce, entre 50 et 55 ans par exemple. On observe également que les descendants de ces familles développent la maladie plus précocement que leurs parents. Cependant, il s’agit d’une forme très rare. De manière générale, l’apparition de la maladie d’Alzheimer est la résultante de différents facteurs de risque dont certains associés au style de vie sont modifiables tels que le manque d’activité physique ou cognitive. L’âge moyen lorsque le diagnostic de maladie d’Alzheimer est posé en dehors des formes familiales de la maladie se situe entre 70 et80 ans.

Quelles sont les stratégies à adopter pour garder un cerveau en santé et réduire le risque de développer la maladie d’Alzheimer ?

Dre Chainay : Il faut agir sur les facteurs de risque modifiables, ceux que nous pouvons contrôler en adoptant de bonnes habitudes de vie dès maintenant ! Au meilleur de ses capacités il faut s’assurer de manger sain, de rester physiquement et socialement actif et de stimuler son cerveau de manière intellectuelle en lisant, en apprenant une nouvelle langue ou encore en faisant des jeux. Ces conseils s’adressent à tout le monde et ce dès le plus jeune âge car nos capacités cognitives se construisent tout le long de notre vie. Plus nous les développons, plus nous maintenons notre réserve cognitive*. Cette dernière est une ressource indispensable dans laquelle puiser pour lutter contre des troubles neurocognitifs. On ne peut donc pas empêcher la maladie de se déclarer, mais si elle le fait, les symptômes apparaitront plus tardivement et son développement sera peut-être moins sévère grâce aux capacités cognitives préalablement développées. On observe ainsi que des personnes malades qui présentent de grandes ressources cognitives éprouvent moins de difficultés dans leur quotidien dans les premiers stades de la maladie.

Dr Boller : Les interactions sociales dans la vie quotidienne sont également très bénéfiques. Avoir des activités qui nous amènent à sortir de la maison et à rencontrer du monde nous obligent à mettre en place des stratégies d’adaptation qui, elles, mobilisent à leur tour nos ressources cognitives. Comprendre autrui, avoir des échanges, être dans le partage, demandent des efforts et stimulent notre cerveau. Je rajouterai aussi qu’il faut contrôler les facteurs aggravants comme par exemple la cigarette qui présente des effets néfastes sur la santé cognitive ainsi que l’alcool, s’il est consommé de manière excessive. Comme l’a dit Dre Chainay, il n’y a pas d’âge pour adopter de saines habitudes de vie, même si vous commencez à 60 ans ! C’est mieux que de ne rien faire du tout car il y aura forcément un impact positif sur votre santé et votre qualité de vie.

Peut-on guérir de la maladie d’Alzheimer ? Existe-t-il un traitement ?

Dr Boller : À ce jour, il n’existe pas encore de traitement capable de guérir de la maladie d’Alzheimer. Certains traitements médicamenteux avec des effets positifs sur le déclin cognitif ont récemment été approuvés aux États-Unis, mais on a très peu de recul sur leur efficacité. Il faut donc rester prudents même si c’est encourageant pour l’avenir. Une approche pluridisciplinaire dans la prise en charge de la maladie reste indispensable. Au Québec, les traitements médicamenteux ciblent le plus souvent les troubles psycho-comportementaux des patients tels que l’agressivité ou la dépression. Pour les troubles liés à la mémoire, il faut réfléchir avec les patients à la mise en place de stratégies pour que ces troubles neurocognitifs aient un moindre impact dans leur quotidien. L’objectif visé pour les patients est de maintenir la meilleure qualité de vie possible jusqu’à un âge avancé tout en retardant l’échéance d’une institutionnalisation et de soutenir au mieux leurs proches-aidants.

Entrevue réalisée par Brenda Pierucci, agente de communication

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*Pour en savoir plus sur les stratégies à appliquer pour développer votre réserve cognitive, nous vous invitons à visionner les capsules « Idées inspirantes pour maintenir son cerveau en santé »

Trois personnalités partagent ce qu’elles font et Dre Sylvie Belleville commente ces gestes simples à la lumière des découvertes scientifiques les plus récentes dans des capsules vidéos. Avec ces idées inspirantes, trouvez, vous aussi, vos gestes simples. 

Un projet coordonné par la Mission universitaire sur la gériatrie et le vieillissement, Institut universitaire de gériatrie de Montréal du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, en collaboration avec le CISSS de l’Outaouais, dans le cadre des orientations du Plan ministériel sur les troubles neurocognitifs majeurs.

https://iugm.ca/fr/sante-cerveau