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Une femme de science : le parcours de Nathalie Bier

À l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science qui s’est tenue le 11 février dernier, Nathalie Bier, chercheuse au CRIUGM et professeure à l’Université de Montréal nous parle de son parcours, de ses travaux en recherche mais aussi des défis qu’elle a su relever. Elle en profite également pour donner des conseils aux femmes qui, comme elle, aimeraient se plonger dans la science.

Pouvez-vous présenter votre parcours ?

Je ne me destinais pas vraiment à faire de la recherche, encore moins en gériatrie. Au départ, je voulais être ergothérapeute en pédiatrie. C’est à travers ma formation que j’ai eu un coup de cœur pour le fonctionnement du cerveau au point de poursuivre mes études en maîtrise à l’Université de Montréal. De fil en aiguille, j’ai développé un intérêt pour la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées et je me suis intéressée à la problématique du soutien à domicile des personnes âgées atteintes de ces maladies. Dans cette dynamique, je suis allée me former en Europe avec des équipes spécialisées dans le domaine de l’intervention cognitive auprès de personnes atteintes de démence. J’ai ensuite fait un doctorat à l’Université de Sherbrooke et des opportunités m’ont amenée à continuer vers un post-doctorat à l’Université Laval.

Aujourd’hui, je réalise mes travaux au CRIUGM, où je suis également co-directrice associée à l’innovation et à la valorisation des connaissances, et je suis professeure titulaire d’ergothérapie à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal. Fait amusant, je suis au CRIUGM en partie parce que Sylvie Belleville, anciennement directrice du centre, était membre de mon jury de thèse. À mon retour sur Montréal, je l’ai contacté car je voulais en apprendre plus sur le CRIUGM. Elle a vraiment été une mentore pour moi et est encore aujourd’hui une grande inspiration pour toutes les femmes en science.

Quels défis avez-vous rencontré en tant que femme dans votre parcours académique ?

Personnellement, je n’ai pas rencontré de situations où j’étais consciente de vivre de la discrimination à cause de mon genre. Le seul moment où j’ai pris conscience d’un défi lié à ma condition de femme, c’est lors de mon deuxième congé de maternité. À l’époque jeune maman et professeure, je voulais présenter mon dossier de chercheuse-boursière et j’ai réalisé que ce congé pouvait me défavoriser face aux chercheurs qui n’avaient pas pris de congés de paternité ou qui en prenait de très courts. À ce moment-là, je me suis rendue compte que la conciliation travail-famille était plus difficile pour les femmes. J’ai ressenti une certaine injustice mais je ne regrettais pas mon choix car ma famille était prioritaire. Cette réalité m’a alors poussé à développer des méthodes de travail efficaces pour en faire autant que mes collègues masculins mais en moins de temps. Même si ce congé a ralenti mon travail sur une période donnée, il n’a pas eu de répercussions négatives sur ma carrière. J’ai bien évolué, je fais des projets de recherche stimulants et mes objectifs sont atteints comme je le souhaite.

Un autre défi est d’appliquer pour une promotion ou de déposer un dossier pour un prix afin de valoriser son travail. Cette démarche n’est pas naturelle chez moi. J’ai souvent eu le syndrome de l’imposteur et j’ai l’impression que c’est un sentiment partagé par de nombreuses femmes et à cause duquel nous laissons parfois passer notre chance. Si je pouvais parler à une version plus jeune de moi-même, il y a plusieurs opportunités que je n’aurais pas mises de côté par manque de confiance.

Quelles recherches réalisez-vous au CRIUGM ?

Ma recherche est axée sur le soutien à domicile des personnes âgées, en particulier celles qui présentent des troubles cognitifs. Autour de cet objectif principal se déploient trois volets. Le premier vise à comprendre comment une maladie telle que la maladie d’Alzheimer peut avoir un impact sur les activités de la vie quotidienne des aînés. Je cherche par exemple à comprendre comment cela affecte leur capacité à fonctionner dans leurs activités quotidiennes ou la répercussion sur leur sécurité à domicile.

Dans le second volet, j’applique ce que j’ai pu relever et comprendre de ces difficultés dans un objectif d’intervention, notamment à l’aide de technologies qui peuvent identifier les difficultés ou être des technologies d’assistance cognitive. Un peu comme une marchette pour aider à la marche, elles viennent soutenir la cognition. Enfin, le dernier volet vise à co-construire des solutions pour le soutien à domicile, avec différents partenaires impliqués dans l’écosystème d’une personne âgée (municipalités, organismes communautaires, résidences privées, etc.) et les personnes âgées elles-mêmes, afin de réaliser des projets de manière collaborative. C’est ce qui correspond à ce qu’on appelle un laboratoire vivant. Ce type de collaboration permet généralement de réaliser des projets très ancrés dans les besoins réels et donc avec plus de chance d’être pérennes.

Pourquoi la science vous passionne-t-elle autant ?

La science c’est un peu comme une drogue, on peut vite devenir accro ! Tous les jours j’apprends de nouvelles choses mais ce que j’aime le plus c’est que je participe à quelque chose de plus grand que moi. Quand je développe des technologies, mon but final n’est pas l’article scientifique que je vais publier. Non. Je fais de la recherche car je sais qu’elle peut avoir un impact potentiel sur la vie des aînés. C’est vraiment ce qui me motive ! La recherche fondamentale est tout aussi intéressante mais c’est la recherche appliquée qui me fait le plus vibrer. J’aime le travail intersectoriel et partenarial en mode recherche-action. Dans ce type de projet, il y a beaucoup de partenaires et de collaborations ce qui peut prendre du temps. Cependant, cela permet de faire des choses extraordinaires qu’on ne pourrait pas faire chacun de son côté.

Le travail en science est aussi très varié. Je collecte des données, je fais des conférences et du transfert de connaissances, des interviews, j’enseigne, je fais des demandes de subventions et j’en passe. Il n’y a pas moyen de s’ennuyer !

En tant que femme et chercheuse, quels conseils aimeriez-vous donner aux jeunes filles et femmes qui souhaitent faire de la recherche ?

Je veux tout d’abord dire que la science est accessible ! Il faut garder à l’esprit que la science est passionnante, elle n’est pas intimidante ! Et il ne faut pas avoir peur à cause de la longueur des études requises… Je rajouterai qu’il faut suivre son instinct et faire ce qu’on aime. L’essentiel est d’avoir un plan d’action pour établir une vision cohérente de son travail en tant que scientifique, savoir d’où l’on part et pourquoi on se dirige dans cette direction. C’est très important de rester focalisé sur son objectif, c’est ce qui sert de moteur dans les études et aussi plus tard en recherche. Être fidèle à soi-même, ne pas avoir peur de se lancer ou de valoriser son travail, savoir bien s’entourer et sortir de sa zone de confort sont autant de conseils à retenir.

J’aimerais également dire aux femmes de prendre confiance en leur leadership et en la valeur ajoutée de l’approche qu’elles peuvent avoir dans leur travail. Elle diffère parfois de celle des hommes avec, peut-être, plus d’emphase sur la collaboration, le savoir-être ou la valorisation des autres, toutefois ce leadership permet d’aller aussi loin qu’un autre.

Finalement, pour plonger dans la science, je recommande de garder un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. On peut en effet vite se laisser déborder par le travail et vouloir en faire plus pour être compétitive, surtout dans le cadre d’une carrière dans le milieu académique. Cependant, il faut pouvoir prioriser sa famille, ses amis, ses loisirs et sa santé physique et mentale. C’est possible ! En plus, cet équilibre est bon pour la santé de notre cerveau, favorise la prévention de toutes sortes de maladies et est essentiel pour notre créativité comme scientifique !


En savoir plus sur les recherches de Nathalie Bier :

Aller à la rencontre des aînés pour favoriser leur santé cognitive

L’utilisation de la technologie par les aînés

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