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Bien dormir, c’est gagner en santé !

C’est la journée mondiale du sommeil et le thème de cette année est « Faire de la santé du sommeil une priorité ».  Bien dormir est indispensable pour une bonne santé physique et mentale. Le sommeil aide en effet au maintien et à la régulation de nombreuses fonctions vitales dans l’organisme. Aussi nécessaire que manger et boire, on ne pourrait s’en passer ! Comment réussir à bien dormir ? Quelles sont les conséquences d’un manque de sommeil dans nos vies ? Un entretien avec Mathilde Reyt, chercheuse post-doctorante au Laboratoire du sommeil, de la cognition et de la neuro-imagerie (SCNLab) dirigé par Dr Thanh Dang Vu, neurologue et chercheur au CRIUGM.

Pouvez-vous parler de votre parcours ?

Au départ, je me destinais plutôt à être en pharmacologie dans le but d’aider les personnes via le développement de nouvelles thérapeutiques, mais j’ai finalement bifurqué en neurosciences en faisant un master dans le domaine à Toulouse, en France. Je voulais en apprendre plus sur le cerveau, le chef d’orchestre de notre corps, dont tous les secrets n’avaient pas encore été dévoilés. J’ai ainsi pu étudier les fonctions cognitives telles que l’attention, la mémoire, l’orientation ou encore les fonctions exécutives, qui nous permettent de contrôler nos actions, nos pensées et nos émotions. Durant ce temps, j’ai également eu l’occasion de faire des études comportementales mais j’ai vite eu envie d’aller voir ce qui se passait à l’intérieur du cerveau. Dans cette optique, j’ai réalisé un doctorat qui associait la neuroimagerie et la fonction cognitive à Liège en Belgique. Durant ma thèse, j’ai travaillé avec des personnes âgées en bonne santé qui n’avaient pas de troubles du sommeil mais qui aimaient faire la sieste. Je me suis alors intéressée aux moyens de prévenir le déclin cognitif et l’apparition de maladies neurodégénératives. Dans cette démarche, il me semblait pertinent d’élargir mon intérêt vers les aspects cliniques du sommeil. C’est ainsi que je suis venue faire mon post-doctorat sous la supervision de Thanh Dang Vu car ses recherches combinent tous les éléments qui me passionnent, à savoir les études sur les troubles du sommeil, la neuro-imagerie et la cognition, l’aspect du vieillissement le tout couplé au domaine clinique dont j’avais besoin pour compléter mon parcours.

Pour dormir, il faut bien entendu pouvoir s’endormir… Comment fonctionne le phénomène de l’endormissement ?

Dans le sommeil, il y a deux mécanismes qui vont faire en sorte que l’on va dormir la nuit et resté éveillé le jour. Le premier est le processus homéostatique ou plus simplement appelé le « besoin de sommeil ». Durant la journée, ce besoin de sommeil va s’accumuler parce que nous sommes éveillés et il va diminuer durant la nuit parce que nous allons dormir. Par exemple, si je ne dors pas pendant 24 heures, le besoin de sommeil va être fort et par conséquent une fatigue va vite s’installer. Le second mécanisme qui intervient est le rythme circadien aussi appelé l’horloge biologique qui dépend de chaque individu. Située dans le cerveau, elle gère le sommeil mais elle est aussi liée à d’autres activités telles que la sécrétion d’hormones ou encore l’appétit par exemple.

Durant la journée, l’horloge biologique va envoyer des signaux qui vont favoriser le réveil. Puis ces signaux vont diminuer en fin de journée pour laisser place à des signaux favorisant le sommeil. Cette horloge biologique est notamment impliquée dans la production de la mélatonine, l’hormone du sommeil, qui aide à s’endormir. L’endormissement le soir résulte alors des actions couplées de notre horloge biologique qui envoie les signaux indiquant qu’il faut aller se coucher et du besoin de sommeil qui est à ce même moment suffisamment élevé pour qu’on s’endorme. À l’inverse, le matin nous nous réveillons parce que notre besoin de sommeil est faible et que notre horloge biologique envoie des signaux d’éveil. C’est important de noter que le fonctionnement de l’horloge biologique diffère d’un individu à l’autre et c’est pour cela que nous n’avons pas les mêmes heures de lever et de coucher. En effet, certaines personnes vont sécréter de la mélatonine plus tôt et d’autres plus tard. Il en est de même pour notre besoin de sommeil. Si la moyenne d’heure de sommeil recommandée pour un adulte est de huit, une personne pourra totalement être fonctionnelle avec six heures de sommeil quand une autre en aura besoin de dix. La comparaison sur ce point est donc à éviter !

Quels sont les règles à suivre pour une bonne hygiène de sommeil ?

Un des éléments les plus cruciaux pour un bon sommeil est d’avoir des heures de lever et de coucher régulières. Cela permet à l’horloge biologique d’être plus stable et donc à notre corps d’avoir un rythme équilibré. En fait il faut conditionner son corps en apprenant à le connaître et en sélectionnant les « paramètres » qui nous correspondent le mieux. Il faut aussi savoir que l’horloge biologique se régule en fonction de la lumière. En prenant un bain de lumière naturelle, on envoie le signal à notre corps que c’est le moment d’être éveillé. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est conseillé de ne pas s’exposer à la lumière bleue des écrans une heure avant d’aller se coucher car cela va avoir un effet stimulant et réduire la sécrétion de mélatonine. Il faut rester actif en journée car moins on le sera, moins on aura « de besoin de sommeil » et on ne sentira donc pas le besoin de dormir. Les activités sportives, très bénéfiques pour le sommeil, sont à privilégier en journée et à éviter deux heures avant d’aller se coucher car elles envoient au corps des signaux d’éveil. Avoir un régime alimentaire sain à des heures régulières et éviter de prendre du thé, du café ou des boissons alcoolisées après 16h peuvent être ajoutés à la liste.

C’est intéressant de souligner que notre cerveau fait de nombreuses associations. Par exemple il sait que la cuisine est faite pour cuisiner et manger. Dans le cas du sommeil, il faut habituer son cerveau à intégrer que le lit est seulement fait pour dormir ou pour avoir des rapports sexuels. C’est pour cela qu’on déconseille de travailler, de lire ou encore de regarder la télé dans son lit car cela crée de mauvaises habitudes. De la même façon si on se réveille en pleine nuit et qu’on n’arrive pas à se rendormir, il vaut mieux quitter le lit pour éviter que le cerveau le perçoive comme un lieu de stress. En effet, en tournant sans cesse dans son lit, on déclenche une hyperactivation du corps et l’activité cérébrale devient plus accrue le tout empêchant de se rendormir.

Quelles sont les conséquences d’un manque de sommeil sur la santé ?

Un manque de sommeil répété peut amener à développer de l’insomnie dite chronique qui se caractérise par le fait de ne pas réussir à dormir plus de trois fois par semaine pendant plus de 3 mois. Elle entraîne sur un plan personnel des difficultés de concentration, des troubles de l’humeur, de la somnolence en journée, de la fatigue, des pertes de mémoire ou encore de l’irritabilité. Il y a donc sur le long terme, une véritable diminution de la qualité de vie. On observe de ce fait de lourdes répercussions au niveau professionnel comme des étudiants qui ne peuvent plus suivre leurs études ou encore des travailleurs dans l’incapacité d’effectuer leurs tâches. De plus, l’insomnie est souvent liée à la dépression et à l’anxiété, et cette association se fait dans les deux sens. Quelqu’un qui souffre d’anxiété ou de dépression a plus de risque de développer de l’insomnie, et vice versa, quelqu’un qui souffre d’insomnie a aussi une plus grande vulnérabilité de développer de l’anxiété ou de la dépression.

L’insomnie est-elle un passage obligatoire dans le vieillissement ?

Au Québec, 50% de la population âgée rapporte des symptômes d’insomnie, la prévalence est donc importante dans ce groupe. Cependant faire de l’insomnie à un âge avancé n’est pas une fatalité. Tout comme la peau qui se ride avec le temps, le sommeil évolue lorsqu’on prend de l’âge. Par exemple, lorsqu’on est adolescent, on a tendance à se coucher tard le soir et à vouloir se réveiller tard le matin. À l’inverse, les personnes âgées auront plutôt tendance à se coucher tôt et se réveiller tôt. C’est tout à fait normal mais comme cela saute moins vite aux yeux, on en a moins conscience. Comme d’autres fonctions de l’organisme, le sommeil devient plus fragile en vieillissant et de ce fait plus vulnérable aux troubles du sommeil dont l’insomnie. En effet, l’horloge biologique envoie des signaux plus faibles lorsqu’on vieillit, entraînant une diminution de la sécrétion de mélatonine par exemple. Le corps a alors plus de mal à faire la distinction entre le jour et la nuit. C’est pour cela que les personnes âgées font plus de siestes par exemple, car leurs corps les laissent plus facilement s’endormir qu’une personne plus jeune durant la journée. À l’inverse, ils vont avoir aussi un signal moins fort pour le sommeil et vont donc se réveiller plus souvent durant la nuit. Le fait de se réveiller plusieurs fois dans la nuit pour une personne âgée n’est pas forcément problématique. Cependant, cela peut s’avérer plus inquiétant si elle se réveille et reste éveillée plusieurs heures car elle n’arrive pas à se rendormir. En cas de doute sur d’éventuels troubles de sommeil, la meilleure chose à faire reste de consulter un professionnel de la santé.

Quel est le meilleur traitement pour soigner l’insomnie ?

C’est la thérapie cognitivo-comportementale qui est considérée comme le traitement de première intention de l’insomnie chronique. Comme son nom l’indique, le but de cette thérapie est de changer le comportement des personnes et de les aider à adopter de bonnes habitudes pour une meilleure hygiène de sommeil. Durant le traitement, il y a ce qu’on appelle une restructuration cognitive qui va porter sur la déconstruction de certaines croyances liées au sommeil ou encore des propositions de méthodes de relaxation afin d’aider les personnes à se détendre lors d’une crise d’insomnie. Avec ces interventions, on vise une amélioration de leur temps de sommeil et une baisse de leur état de fatigue dans la journée. La seule limite de ce traitement se situe chez les participants qui doivent garder leur motivation pour aller jusqu’au bout de la démarche. Contrairement à la prise d’un somnifère dont l’effet est direct, la thérapie est un travail de plus longue haleine. Elle n’est pas forcément valorisante dès le début, car il n’y a pas récompense instantanée, cependant sur le long terme elle est plus bénéfique. De nombreuses études ont par ailleurs démontré que les somnifères, majoritairement des benzodiazépines, peuvent être néfastes pour le sommeil, entrainer une perte de concentration et d’attention et provoquer des chutes chez les personnes âgées. La prise de somnifères doit dans l’idéal être limitée sur un maximum de trois mois.

Actuellement, nous réalisons une étude de thérapie cognitivo-comportementale, « DigiSensing », à destination de personnes qui souffrent d’insomnie et sont âgées de 60 ans et plus. Dans le cadre de cette étude nous développons une plateforme accessible en ligne où des conseils seront dispensés avec des vidéos et les mesures sur le sommeil seront obtenues à distance grâce à des capteurs préalablement fournis aux participants. Des activités seront également proposées sur la plateforme afin d’aider les personnes à restructurer leur sommeil et à avoir une meilleure hygiène de sommeil.

Peut-on guérir de l’insomnie ?

Oui c’est tout à fait possible ! À la suite d’une thérapie cognitivo-comportementale, il y a 40% de rémission totale, où les personnes ne font plus du tout d’insomnie et 70% de réponses positives au traitement. Dans ce dernier cas, les personnes observent une amélioration de leur sommeil car elles ont moins d’insomnie ou en ont de manière moins fréquente. Elles sont en effet mieux outillées pour gérer et atténuer l’impact de l’insomnie dans leur vie grâce aux conseils qu’elles auront reçus.

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Voudriez-vous participer à un projet de recherche ?

Le laboratoire SCNLab évalue les effets de traitements de l’insomnie sans médicaments sur la santé du cerveau. Il est actuellement à la recherche de participant·e·s adultes de 60 ans et plus souffrant d’insomnie.

Pour plus d’informations sur l’étude DigiSensing, téléchargez ce PDF. Vous pouvez également contacter l’équipe par courriel à criugm.digisensing@gmail.com ou par téléphone au (514) 340-3540 ext. 3782

En savoir plus sur le sujet

L’impact des troubles cognitifs chez les aîné·e·s : le cas de l’insomnie

Consortium canadien de recherche sur le sommeil

Société canadienne du sommeil

Les prochaines conférences grand public de la Société canadienne du sommeil auront lieu le 15 mars 2025 à l’Université Concordia. Liens pour les inscriptions :
Français : https://scs-css.ca/nouvelles/2025-conferences-grand-public-informations/?xdomain_data=3OX%2B9NuI1ldWDapK%2B4SMUUhE3Yk6jJ%2BNCbBRvBfC%2BLsthJ88HbH3I1g0WJF03uto
Anglais : https://css-scs.ca/society-news/2025-public-lectures-information/