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Maladie d’Alzheimer : prévention, symptômes et traitement

À l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer, le 21 septembre prochain, nous sommes allés à la rencontre de Thomas Tannou, gériatre, chercheur-clinicien en émergence au CRIUGM et professeur adjoint de clinique à l’Université de Montréal. Évaluer, diagnostiquer et accompagner les personnes atteintes d’une maladie cognitive, tels sont ses rôles lorsqu’il ne s’occupe pas de mener ses recherches sur l’anosognosie, un trouble de la perception de soi, souvent associé à l’Alzheimer. Suivez le guide pour une vision globale de la maladie en 5 étapes !

Mieux vaut prévenir que guérir

La première étape de notre intérêt pour la maladie d’Alzheimer est l’axe maintenant bien connu de la prévention. Que puis-je faire à mon niveau pour garder un cerveau en santé et éviter de développer la maladie d’Alzheimer ? « Il faut savoir que 40% des facteurs de risque de développer la maladie d’Alzheimer sont modifiables et dépendent du mode de vie et cela tout au long de la vie, explique le Dr Tannou. Le niveau de scolarité, la capacité de voir ou d’entendre, et donc de socialiser ou encore le fait d’être actif physiquement permettent de développer et de renforcer les capacités cognitives. » En effet, il précise que « La maladie d’Alzheimer est une maladie de la mise en mémoire de nouvelles informations et non pas une maladie des souvenirs. Au niveau neuropsychologique, il y a un problème d’encodage : comme la nouvelle information n’est pas adéquatement enregistrée, la création de mémoire sur cette information ne se fait pas. Or, à quoi sert la mise en mémoire d’une nouvelle information ? À la socialisation ! C’est un élément clef ! En effet, ne plus pouvoir reconnaître son voisin ou se rappeler de la discussion que nous avons eu ensemble la semaine dernière, c’est ne plus pouvoir socialiser ».  Socialiser, bouger et manger équilibré sont donc un trio gagnant ! Maintenues dans le temps, ces stratégies permettent de stimuler le cerveau et de prévenir l’apparition des symptômes cliniques de la maladie. « Parallèlement, il est important de contrôler des facteurs aggravants comme l’hypertension ou un éventuel déficit visuel par exemple. Le maintien d’une bonne santé est la meilleure des protections. » ajoute le Dr Tannou.

Savoir repérer les changements

L’oubli d’évènements récents, la perte de la notion de l’espace, des difficultés de langage ou encore une perte d’indépendance dans la planification de ses tâches, sont autant de signes avant-coureurs de la maladie d’Alzheimer. Une personne qui arrivait à déclarer seule ses impôts et qui soudainement aurait besoin d’aide pour le faire est un cas préoccupant par exemple. C’est l’origine de cette perte d’indépendance dans le quotidien que les professionnels vont alors chercher à repérer. Comme le développe Dr Tannou, « L’évolution d’un trouble neurocognitif est progressive. La première phase de plaintes de mémoire qui est assez précoce est appelée trouble cognitif subjectif car ce dernier est autodéclaré et n’a pas encore été validé par un test. La personne sent que son cerveau ne fonctionne pas comme avant. Dans ce cas, il est préférable de faire un suivi, car la situation peut évoluer vers le développement d’un trouble neurocognitif mineur. La personne a alors des capacités en dessous de la norme attendue pour son profil (âge, sexe et niveau de scolarité), cependant, il n’y a pas encore de gros impacts dans son quotidien. Lorsque le développement de la maladie est avancé, c’est le trouble neurocognitif majeur qui apparaît et entraîne une perte d’indépendance chez l’individu. C’est ce stade, qui est parfois évoqué sous le terme de démence même si on essaye de ne pas l’utiliser en raison de l’image négative qu’il véhicule. »
Il est important de souligner que les plaintes de mémoire ne sont pas exclusivement liées à la maladie d’Alzheimer. En effet, le fait de passer par une phase de stress intense ou de dépression peut également entraîner ce genre de plaintes. Seul un médecin peut évaluer la situation à l’aide de tests neuropsychologiques, dont certains sont développés au CRIUGM, pour venir identifier une modification du fonctionnement cognitif. Le rôle d’observation de la famille s’avère aussi essentiel pour repérer tout changement de comportement chez un de leur proche. « Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui souffrent d’anosognosie ne sont pas conscientes de leur état. Elles ne perçoivent pas les troubles cognitifs qu’elles rencontrent alors que leurs proches relèvent des difficultés. Dans ce cas, il est toujours adéquat de venir en consultation pour lever tout doute. L’entourage joue ici un rôle clef car l’anosognosie est un facteur de retard diagnostic. » explique le médecin.

Poser le juste diagnostic

Pour avoir un diagnostic formel de maladie d’Alzheimer, une évaluation globale de la santé de l’individu est nécessaire. Des tests neuropsychologiques doivent être menés afin d’écarter toutes autres possibilités comme par exemple la prise de médicaments qui ralentirait le fonctionnement du cerveau ou bien une insuffisance rénale entraînant une toxicité neurologique. Rien n’est laissé au hasard ! À la suite de cette évaluation le médecin vient affirmer le diagnostic s’il y a à la fois une caractérisation neuropsychologique, c’est-à-dire que des difficultés à enregistrer l’information sont bien observées et qu’il y a une répercussion importante de ces troubles cognitifs dans le quotidien de la personne malade (perte d’indépendance dans la planification, perte de la notion du temps, etc). Actuellement, en plus des tests, il est également possible d’affirmer un diagnostic de manière biologique. La maladie d’Alzheimer et les autres troubles cognitifs majeurs peuvent être caractérisés grâce à l’utilisation d’imageries spécifiques comme par exemple l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) ou la tomographie par émission de positrons (TEP). Cette dernière technique d’imagerie nucléaire permet d’obtenir des images colorées en 3D grâce au suivi de sucre radioactif et de sa diffusion dans le cerveau du patient.
Comme l’explique le Dr Tannou, « Les examens de neuroimagie permettent d’obtenir des profils particuliers, qui, avec les symptômes relevés chez le patient, renseignent le professionnel de santé sur le type de maladie rencontrée. Dernièrement, de récentes recherches en Suède ont démontré qu’il serait possible de détecter la maladie d’Alzheimer à l’aide de biomarqueurs plasmatiques suite à une prise de sang. Mais il faut faire attention ! Avoir une biologie positive de maladie d’Alzheimer ne signifie pas nécessairement que l’on va tout de suite développer les signes cliniques. En effet, les biomarqueurs seuls sont plutôt à considérer comme un facteur de risque de développer la maladie. Ils doivent être utilisés dans un cadre précis qui est celui du diagnostic afin de pouvoir confirmer ou non qu’il s’agit bien de la maladie d’Alzheimer.»

Un accompagnement, plusieurs approches

La maladie d’Alzheimer à ce jour est incurable mais trois d’axes d’accompagnement sont à la portée de la personne malade. Premièrement, les approches médicamenteuses qui se focalisent majoritairement sur le contrôle des symptômes des troubles de la mémoire et/ou la gestion des symptômes associés (anxiété, trouble du sommeil, etc…). Plusieurs pays comme les États-Unis ou la Chine ont approuvé de nouveaux médicaments, qui présentent la particularité de cibler plus spécifiquement les altérations neuronales par des anticorps. Deux molécules sont en attente d’approbation par Santé Canada.

Au CRIUGM, la recherche se porte principalement sur une autre option, celle des approches non-médicamenteuses. L’objectif est de prodiguer la meilleure qualité de vie possible aux patients tout en leur permettant de rester vieillir à domicile « Une notion importante en gériatrie est celle des capacités intrinsèques, c’est-à-dire, l’ensemble des capacités mentales et physiques d’un individu, commente le médecin. Cela comprend des facteurs nécessaires pour fonctionner tels que la mobilité, la vitalité ou encore les capacités sensorielles (vision et audition). Notre travail est de soutenir l’ensemble de ces capacités intrinsèques pour éviter une dégradation du fonctionnement global de l’individu. Pour mieux comprendre, prenons l’exemple d’une personne qui a la maladie d’Alzheimer et des troubles de l’audition. Une partie de sa prise en charge servira à essayer d’améliorer son audition. Pourquoi ? Parce que l’individu a déjà des problèmes de mémorisation qui vont être aggravés par le fait de ne plus pouvoir entendre. En renforçant cette capacité moins performante, on compense les déficits cognitifs rencontrés par la personne. Privilégier une intervention pluridisciplinaire dans la prise en charge de la maladie est donc indispensable pour améliorer la qualité de vie et concentrer nos efforts sur la maladie d’Alzheimer ».

À ces deux approches se rajoute une troisième, celle du support social, soit l’ensemble des soins et des services à domicile où l’on fait souvent appel aux services sociaux et aux services d’Aides à domicile. Pour autant, parmi les voies en cours de développement il y a les solutions technologiques. Les appartements intelligents, les dispositifs pour repérer les chutes ou sécuriser l’environnement sont autant d’éléments explorés pour donner confiance aux personnes malades et les accompagner de la manière la plus appropriée selon leur situation. « La relocalisation d’une personne malade n’est pas une obligation, déclare Dr Thomas Tannou. En effet, pus la maladie évolue, et moins l’individu peut enregistrer de nouvelles informations et s’adapter. Cependant, les souvenirs les plus anciens sont toujours présents. Un changement de lieu de vie et donc un changement d’habitudes va entraîner de la difficulté. Une relocalisation tardive n’est pas conseillée. Dans l’idéal, elle doit être précoce, dès la pose du diagnostic si l’on sait que le maintien à domicile sera compliqué. Cela laisse le temps à la personne malade de s’habituer à son nouvel environnement. »
Plusieurs recherches sur des technologies de maintien à domicile sont réalisées au CRIUGM.  L’objectif est de permettre à la personne malade de rester la plus active et la plus autonome possible. Dr Tannou mène, entre autres, une recherche sur des semelles intelligentes qui pourraient notifier les proches d’un proche malade qui se perd en faisant une sortie. Cela permettrait de lutter contre le phénomène d’errance tout en renforçant l’encapacitation de la personne.

Le droit à la dignité

Sujet sensible, la question des soins palliatifs n’est pas toujours facile à aborder mais elle reste importante dans l’accompagnement des patients. « Plus on en parlera, moins le sujet sera tabou, rappelle Dr Tannou. À vouloir éluder un sujet qui rend mal à l’aise, on peut faire augmenter l’anxiété des patients autour de la question entraînant chez eux des symptômes psycho-comportementaux comme de l’agitation ou de l’agressivité par exemple. C’est aux professionnels d’aider à arrêter ce cercle vicieux ». Selon le médecin, il faut garder en perspective que le patient est un être digne dont les volontés sont à prendre en considération afin de trouver la meilleure façon pour les proches ou les organismes de soins et services sociaux de le soutenir. 

Dans de nombreuses situations, les familles ou proches-aidants cherchent à garder leur parent malade dans une sécurité constante. Cependant, ce qui est envisagé par l’entourage n’est pas forcément ce que souhaite le patient. Des recherches de Dr Tannou ont d’ailleurs démontré que le rapport à la sécurité et au choix du risque lorsqu’on est seul, diffère lorsqu’on a la responsabilité d’autrui. « C’est contreproductif de vouloir empêcher à tout prix à un patient de faire certaines choses. À titre personnel, je revendique une forme de droit au risque raisonnable, bien entendu en fonction de l’état de la personne et de l’environnement dans lequel elle évolue. C’est toujours au cas par cas. Bien que malade, une personne devrait pouvoir continuer à profiter de la vie et cela de façon à ce qu’elle ait encore du sens pour elle. On peut vivre, vieillir et mourir dans la dignité dans l’évolution naturelle d’une maladie d’Alzheimer. Croire qu’il est obligatoire de mal vivre avec la maladie d’Alzheimer est une vision très âgiste », conclue l’expert.