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Syndrome de Down et maladie d’Alzheimer, les deux faces d’une même pièce

Cet article a été réalisé en collaboration avec la Mission universitaire sur la gériatrie et le vieillissement dans le cadre de la publication de son dossier thématique Prévention, promotion de la santé cognitive.

Patricia Nadeau est actuellement doctorante en neuropsychologie à l’université de Montréal sous la direction de Dr Benjamin Boller, neuropsychologue et chercheur en neuropsychologie du vieillissement au CRIUGM. Dans les prochaines années, elle aspire à conjuguer son engagement dans le milieu clinique avec la réalisation de travaux de recherche sur le vieillissement. Son objectif est clair : « maximiser l’impact clinique de mes recherches », visant ainsi à apporter des contributions significatives et directes au domaine de la pratique clinique. Ce mois de sensibilisation à la maladie d’Alzheimer était l’occasion pour nous d’aller à sa rencontre et d’en apprendre plus sur son sujet de thèse qui aborde le syndrome de Down et maladie d’Alzheimer.

Qu’est-ce que le syndrome de Down et quels sont les facteurs de risque ?

Au Canada, un bébé sur 800 est atteint du syndrome de Down à la naissance. Le syndrome de down, qui comprend la trisomie 21, est un trouble génétique dû à une anomalie présente au niveau de la 21e paire de chromosomes. Au lieu d’avoir deux chromosomes 21, les personnes atteintes par ce syndrome en ont trois copies. Le risque pour un couple d’avoir un enfant porteur du syndrome augmente avec l’âge de la mère. Le diagnostic peut être posé très tôt, pendant la grossesse, grâce à des analyses génétiques.

Quelles en sont les conséquences ?

Le syndrome de Down est caractérisé par des anomalies physiologiques et une déficience intellectuelle. On peut observer des problèmes respiratoires, cardiaques ainsi que des difficultés dans la sphère verbale notamment au niveau de l’expression et de la compréhension. Il faut savoir que l’espérance de vie d’un adulte atteint de trisomie 21 était auparavant plus courte et se situait vers la quarantaine. Actuellement, grâce aux progrès réalisés en médecine les personnes trisomiques vivent plus longtemps, jusqu’à 60 ans environ. Cependant avec une espérance de vie prolongée, elles font face à d’autres maladies liées au vieillissement et sont notamment plus à risque de développer la maladie d’Alzheimer. Plus précisément, 90% des personnes porteuses du syndrome risque de développer la maladie ! Pour rappel, la maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative. Elle affecte le cerveau en détruisant progressivement les cellules nerveuses et est diagnostiquée lorsque les troubles neurocognitifs impactent la personne touchée dans ses activités quotidiennes.
Les adultes atteints de trisomie 21 vieillissent aussi plus rapidement que la population générale, on parle d’un « vieillissement accéléré ». En effet, les signes de vieillissement se manifestent précocement, de même que les marqueurs biologiques* de la maladie d’Alzheimer, pouvant survenir dès l’âge de 30 ans ! Ce phénomène est rare dans la population générale et présente des similitudes avec la «forme familiale» de la maladie d’Alzheimer, laquelle est héritée au sein de la famille.

Quel est le lien entre syndrome de Down et Alzheimer ?

Le jeu crucial se déroule au niveau du chromosome 21, où des recherches ont identifié un gène responsable de la production de la protéine beta-amyloïde. Cette protéine s’accumule dans le cerveau des personnes atteintes d’Alzheimer, formant des «plaques» qui entravent la communication neuronale et conduisent à la mort des cellules. Les personnes trisomiques présentent le même phénomène, mais avec une production plus importante de la protéine due à la présence d’un chromosome 21 supplémentaire. Ainsi, les personnes atteintes du syndrome de Down ont t un risque accru de développer la maladie d’Alzheimer.

Quelle est la démarche de votre projet de thèse ?

Je souhaite développer un outil de dépistage du trouble cognitif léger, qui est un stade précoce de la maladie d’Alzheimer, qui soit spécifique aux personnes atteintes du syndrome de Down. Durant ce stade, on peut observer des difficultés cognitives alors qu’il n’y a pas encore d’impact de la maladie dans le quotidien de la personne. Lors de ce stade, les personnes trisomiques présentent des symptômes cognitifs semblables à ceux de la population générale, notamment au niveau des fonctions exécutives ou encore au niveau de la mémoire. L’un des éléments importants qui vient les distinguer est la préexistence de déficits cognitifs plus ou moins graves selon le niveau de sévérité de la déficience intellectuelle, auxquels va venir se rajouter la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, il est essentiel de prendre en considération le processus du vieillissement, un facteur supplémentaire qui peut également influencer le tableau clinique en accentuant les altérations cognitives associées à la dégénérescence naturelle des fonctions cérébrales liées à l’âge.

Ainsi, le vieillissement s’ajoute aux déficits préexistants, créant une complexité supplémentaire dans l’évaluation et la prise en charge des individus présentant une déficience intellectuelle associée à la maladie d’Alzheimer. Le défi actuel avec les outils de dépistage réside dans leur capacité d’évaluer diverses fonctions cognitives qui ne sont pas nécessairement altérées pendant le trouble cognitif léger, remettant ainsi en question leur sensibilité potentielle. Cela entraîne souvent la pose d’un diagnostic tardif chez ces personnes, lorsque la maladie est déjà à un stade avancé.

Dans le cadre du développement d’un nouvel outil, je cherche à remédier à cette lacune en créant un instrument plus sensible au profil cognitif des personnes trisomiques, mettant l’accent sur les aspects spécifiques du trouble cognitif léger. Pour ce faire, des tâches spécifiques liées à la mémoire épisodique et aux fonctions exécutives seront évaluées. Je souhaite outiller les professionnels dans le domaine pour les aider à dépister le développement de la maladie d’Alzheimer avant que le stade démentiel ne soit atteint afin que des mesures soient mises en place pour limiter l’impact de la maladie.

Quel message aimeriez-vous faire passer ?

J’aimerais rappeler que le risque à vie de développer la maladie d’Alzheimer chez les personnes qui ont un syndrome de Down s’élève à plus de 90%. C’est un pourcentage conséquent ! Il est important que les membres d’une famille ou les aidants s’informent sur le sujet afin de mieux comprendre le processus de vieillissement de la personne atteinte du syndrome dans leur entourage. Ainsi, ils pourront être plus alertes vis-à-vis d’éventuels changements de comportement ou de personnalité chez l’être cher et faire un suivi adéquat auprès du personnel médical le cas échéant.


En savoir plus sur la thèse de Patricia Nadeau :


En savoir plus sur la maladie d’Alzheimer :
Mieux comprendre la maladie d’Alzheimer avec Dr Benjamin Boller, neuropsychologue, chercheur en neuropsychologie du vieillissement au CRIUGM et Dre Hanna Chainay, enseignante-chercheure à l’Université Lyon 2, en France.